La Banque du Canada réduit son taux directeur de 0,25 % : ce que cela signifie pour les propriétaires et où se dirigent les taux
- Simon Bilodeau

- il y a 5 jours
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La Banque du Canada a réduit son taux directeur de 0,25 %, le ramenant à 2,25 %, ce qui fait passer le taux préférentiel des banques à 4,45 %. Il s’agit de la huitième baisse lors des douze dernières annonces, et il est probable que ce soit la dernière pour 2025. De nouvelles baisses demeurent possibles en 2026, mais tout dépendra de l’évolution de l’inflation, de l’impact des tarifs imposés par les États-Unis, des conditions économiques mondiales et du budget fédéral du 4 novembre. La prochaine annonce aura lieu le 10 décembre.

L’inflation demeure au cœur des préoccupations. La lecture de septembre, à 2,4 %, a légèrement dépassé les attentes, mais continue de témoigner d’un rapprochement graduel vers la cible de 2 %. Les prix des aliments et certains services restent élevés, alors que les mesures sous-jacentes de l’inflation fléchissent lentement. La Banque reconnaît ouvertement que les hausses de coûts provoquées par les tarifs sont hors de portée de la politique monétaire. Cette réalité la rend plus tolérante à une inflation légèrement au-dessus de 2 %, tant que la tendance générale demeure à la désinflation.
La croissance économique demeure fragile. Le PIB de juillet a augmenté de seulement 0,2 % après trois mois de contraction, ce qui indique une stabilisation timide plutôt qu’un véritable rebond. Le deuxième trimestre affichait une baisse annualisée de 1,6 %, et la confiance des consommateurs reste anormalement faible à 47,8. Même si le Canada peut éviter une récession technique selon la définition classique de deux trimestres négatifs, l’économie vit une récession par habitant depuis plus d’un an. Le PIB réel par personne a reculé dans la majorité des trimestres depuis le milieu de 2022, ce qui exerce une pression directe sur le niveau de vie. Concrètement, les ménages le ressentent bien plus que n’importe quelle statistique agrégée.
Le marché du travail reflète cette même faiblesse. Le taux de chômage demeure à 7,1 %, la participation stagne à 65,2 %, la croissance des salaires s’essouffle autour de 3 %, et les postes vacants diminuent. Les entreprises évitent d’embaucher mais ne procèdent pas encore à des mises à pied massives, signe d’une prudence généralisée plutôt que d’un effondrement. Pour la BdC, ce refroidissement progressif est essentiel pour contenir l’inflation. L’investissement des entreprises est également extrêmement faible, ce qui explique une grande partie des perspectives de croissance quasi nulles pour les prochaines années. L’économie devrait progresser seulement de 1,2 % en 2025 et de 1,1 % en 2026. Pour un pays de la taille du Canada, ces chiffres sont presque négligeables et laissent place à d’autres trimestres négatifs, ce qui renforce la prudence des entreprises.
Les marchés hypothécaires ont réagi immédiatement à l’annonce, mais de manière inégale. Les emprunteurs à taux variable voient déjà une légère diminution de leurs paiements mensuels à mesure que le taux préférentiel s’ajuste. Une règle approximative demeure une baisse d’environ 13 $ par tranche de 100 000 $ empruntés, ce qui représente environ 65 $ d’économie par mois sur une hypothèque de 500 000 $.
Les prêts hypothécaires à taux fixe, pour leur part, ne bougent pas aujourd’hui. La question qui se pose est celle des prochains mois. Les taux fixes suivent le taux obligataire canadien de 5 ans, qui est en hausse, et non en baisse, malgré l’annonce. Les marchés anticipent moins de baisses de taux l’an prochain, s’attendent à une inflation plus tenace à long terme et réagissent à la hausse des rendements américains, lesquels entraînent presque automatiquement les rendements canadiens. Les tarifs et l’incertitude mondiale augmentent également la prime de risque exigée par les investisseurs pour les obligations à long terme, ce qui fait monter les taux fixes même si la Banque du Canada est en mode assouplissement.
Le Budget Fédéral
La trajectoire future des taux dépendra de plusieurs facteurs, dont l’un des plus déterminants est le budget fédéral du 4 novembre. Les marchés se positionnent déjà en fonction de cet événement. Un budget avec un déficit important, en particulier au-delà de 85 milliards de dollars, exigerait beaucoup plus d’emprunts publics que prévu. Cette demande supplémentaire de financement entrerait en concurrence avec les investissements privés et ferait grimper les taux obligataires. En termes simples : un déficit trop élevé exercerait une pression haussière sur les taux hypothécaires fixes. À l’inverse, un budget faisant preuve de retenue, avec un déficit sous la barre des 85 milliards, serait interprété comme une réduction des pressions d’emprunt à long terme. Les rendements obligataires de 5 ans se détendraient et les taux hypothécaires fixes auraient de la marge pour baisser au cours des prochains mois. Le budget n’aura pas d’effet direct sur les taux variables, mais il influencera fortement les taux fixes.
Pour l’année à venir, les taux variables devraient continuer de diminuer, mais lentement. Si l’inflation poursuit son rapprochement vers 2 % et si le marché du travail reste modéré, une nouvelle baisse cumulative de 0,25 % à 0,50 % d’ici 2026 demeure plausible. Le rythme dépendra de la capacité de l’économie et de l’inflation à suivre les prévisions de la Banque du Canada. Les taux fixes, quant à eux, ne baisseront véritablement que lorsque les rendements obligataires reculeront, ce qui nécessitera un affaiblissement de l’économie, une détente des taux américains ou un budget fédéral bien accueilli par les marchés.
Retard sur des paiements hypothécaires
On parle aussi beaucoup des retards de paiement hypothécaires. Un prêt en souffrance signifie un retard d’au moins 90 jours. Même s’ils ont augmenté depuis leur creux historique de 0,14 % en 2022, les retards demeurent extrêmement faibles : 0,22 % au Canada et seulement 0,19 % en Colombie-Britannique. Pour illustrer : à Ladner, où j’habite, on compte environ 9 200 propriétés résidentielles. Environ la moitié n’ont pas d’hypothèque. Parmi celles qui en ont une, seulement environ neuf sont en défaut de paiement. On est très loin d’un risque de crise. À noter aussi qu’une proportion de ces défauts concerne des personnes décédées, car les principales causes de non-paiement sont le décès, le divorce et la perte prolongée de revenu due à une perte d’emploi ou un problème de santé majeur. La seule catégorie susceptible d’augmenter en période de récession est la perte d’emploi involontaire, particulièrement dans les régions où l’automobile et la métallurgie sont fragilisées par les tarifs américains. Ailleurs, le risque demeure limité.
Quoi faire pour son hypothèque
Pour les propriétaires qui approchent d’un renouvellement, il est judicieux de s’y prendre tôt. Comprendre le marché et avoir un plan réaliste est essentiel. Ceux qui envisagent un refinancement pourront trouver des améliorations significatives de leurs flux de trésorerie (cash flow) dans l’environnement actuel d’assouplissement des taux. Pour ceux qui hésitent entre un taux fixe et un taux variable, les options à court terme, notamment le taux fixe 3 ans, restent un excellent compromis entre stabilité et flexibilité. L’objectif est de garder une marge de manœuvre si les taux à court terme chutent davantage et rendent un refinancement avantageux. Le choix du taux variable sur 5 ans n’est pas garanti non plus. Si votre variable est aujourd’hui plus élevé que les taux fixes de 3 ou 5 ans offer, les économies potentielles sont limitées. S’il est plus bas, vous pourriez en bénéficier l’an prochain, mais l’horizon demeure incertain. Si vous êtes déjà en variable, attendre et observer reste une stratégie raisonnable.
Pour ceux qui souhaitent acheter une propriété, tout cela peut sembler inquiétant, et je le comprends. Mais des taux autour ou sous la barre des 4 % demeurent faibles d’un point de vue historique. Pas au niveau de 2021, et ces conditions ne reviendront pas sans un effondrement économique comparable à la pandémie, ce qui est très improbable. Malgré le bruit ambiant, il existe de belles occasions d’achat. Même si les prix ne baissent pas rapidement, certains vendeurs sont motivés et prêts à négocier. L’important est de visiter, d’explorer, de poser des questions. Il faut aussi planifier un horizon de détention moyen ou long terme, car le creux du marché n’est visible qu’après coup. Sommes-nous près du creux? Je crois que oui. Les prix resteront-ils stables l’an prochain ? Peut-être. Un futur accord commercial changerait la donne immédiatement. Et à mesure que le public se s'habitue à des mauvaises nouvelles constantes, la demande reviendra naturellement. Si la Banque du Canada continue de baisser ses taux l’an prochain, certains acheteurs reviendront aussi sur le marché.
La baisse d’aujourd’hui confirme que la Banque du Canada a déplacé sa politique vers le bas de la zone neutre. Avant de passer à une politique véritablement accommodante, elle observera les données. Le chemin vers des taux hypothécaires plus bas sera inégal, influencé par une récession per capita au pays et par des forces mondiales à l’extérieur. Les propriétaires qui comprennent cette réalité et qui se préparent dès maintenant seront les mieux placés pour profiter de la prochaine phase des mouvements de taux.
Simon Bilodeau et Gina Lopez
604-828-9864
Simon Bilodeau est courtier hypothécaire, rédacteur financier et cofondateur de RefinanceBC. Il se spécialise dans la vulgarisation des tendances économiques pour en faire des stratégies hypothécaires simples et efficaces pour les propriétaires en Colombie-Britannique.
Souvent invité à Radio-Canada et à CBC, Simon est reconnu pour ses conseils honnêtes, basés sur les données, et expliqués en langage clair. Il travaille aux côtés de sa conjointe, Gina, formant une équipe trilingue au service des clients partout dans la province.





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