top of page
Rechercher

Budget 2025 : Ambition, contradictions et ce que cela signifie vraiment pour les familles canadiennes

Le budget fédéral 2025 est l’un des documents les plus ambitieux que le gouvernement ait publiés depuis une décennie. Il promet d’accélérer la construction de logements, de stimuler la productivité, d’investir dans les infrastructures, de former une nouvelle main-d’œuvre et de transformer l’économie. Il prévoit également un déficit de 78 milliards de dollars tout en affirmant que le Canada conserve la meilleure situation budgétaire du G7. Mais lorsqu’on dépasse les gros titres, on découvre une toute autre réalité : une situation où l’ambition budgétaire et les contraintes économiques tirent dans des directions opposées. Voici une analyse claire du budget 2025 : combien le gouvernement emprunte réellement, comment les programmes fonctionnent et comment tout cela influencera les taux hypothécaires et l’abordabilité dans les années à venir.


ree

1. Le déficit de 78 milliards n’est pas le vrai chiffre


Le budget annonce un déficit de 78 milliards, mais ce chiffre reflète uniquement les écarts liés aux programmes. Il exclut plusieurs catégories de besoins financiers comme les prêts aux sociétés d’État, les injections de capital, l’expansion de la SCHL et d’autres éléments non budgétaires. Une fois ces éléments ajoutés, les besoins d’emprunt réels d’Ottawa tournent plutôt autour de 150 milliards.

Les investisseurs obligataires réagissent aux besoins réels, pas au chiffre imprimé dans le budget. Plus d’emprunts signifient une plus grande offre d’obligations gouvernementales, ce qui pousse les rendements à la hausse. Et lorsque les rendements montent, les taux hypothécaires suivent.

Quand le gouvernement affirme que le Canada a la « dette nette la plus faible du G7 », il utilise une définition qu'aucun autre pays du G7 n’utilise. Le Canada ne compte que la dette nette fédérale. Tous les autres pays du G7 incluent tous les niveaux de gouvernement : national, régional, provincial/étatique et local. Si le Canada adoptait la même méthode et combinait la dette fédérale et provinciale, nous ne serions plus en tête du G7. Nous nous retrouverions beaucoup plus près du milieu du groupe. Les investisseurs le savent très bien, et c’est pour cela que les marchés tiennent compte de la dette réelle du pays, et non du chiffre présenté dans le budget.


2. Le plan pour le logement : beaucoup de dépenses, peu d’alignement


Le budget 2025 prévoit des dizaines de milliards pour des usines de logements modulaires, le développement de terrains fédéraux, l’accélération des permis et la construction axée sur la location. L’ampleur est considérable, mais l’alignement avec les besoins réels ne l’est pas. La majorité des familles canadiennes veulent des maisons en rangée, des duplex, des maisons familiales ou des unités au sol.

Pourtant, les investissements fédéraux continuent de privilégier les projets très denses, les micro-unités, le remplissage modulaire et les logements gérés par des organismes sans but lucratif.

En termes simples, on ne construit pas des maisons que vous pourrez acheter. On construit surtout des unités destinées à être louées à des ménages à plus faible revenu. Cela peut aider à répondre à des besoins immédiats en matière d’hébergement, mais cela n’augmente pas l’offre de logements familiaux qui permettent aux Canadiens de bâtir de l’équité et une stabilité à long terme.

Sans réforme du zonage municipal, sans délais d’approbation plus rapides et sans une expansion massive de la main-d’œuvre qualifiée, cet argent risque surtout de produire des types de logements qui ne correspondent pas à la demande réelle du marché. Le problème n’est pas le montant des dépenses, mais leur mauvais alignement avec les besoins des familles.


3. Immigration : l’orientation est bonne, l’exécution insuffisante


Le budget réduit modestement les cibles d’immigration et réoriente une partie de l’accueil vers les travailleurs plutôt que les étudiants. C’est une amélioration, mais seulement une solution partielle. Le goulet d’étranglement du logement au Canada est avant tout un goulet de main-d’œuvre. Le pays manque d’électriciens, de charpentiers, de plombiers, de techniciens HVAC, d’opérateurs d’équipement lourd et de nombreux autres métiers spécialisés.

Le budget ajoute des places de formation et des incitatifs, mais rien qui ressemble à une stratégie nationale des compétences ou un système accéléré de reconnaissance des diplômes étrangers. La réduction des étudiants internationaux diminuera la pression sur les marchés locatifs autour des collèges et universités. Ces secteurs pourraient connaître un rééquilibrage des prix, ce qui aiderait certaines familles. Mais cela créera aussi un manque à gagner important pour les établissements d’enseignement, manque qui devra être absorbé par les gouvernements ou les étudiants restants.


4. Les prestations : généreuses pour les plus pauvres, couper pour le milieu


La structure des prestations au Canada réduit efficacement la pauvreté matérielle pour les familles avec enfants. Lorsqu’on combine l’ACE, le crédit TPS, l’Allocation canadienne pour les travailleurs, les programmes provinciaux et l’aide au logement, une famille à faible revenu gagnant 25 000 $ en Colombie-Britannique peut se retrouver avec 50 000 à 60 000 $ de revenu disponible.

Mais pour les familles gagnant entre environ 60 000 et 110 000 $, le système devient punitif. Elles perdent rapidement le crédit TPS, les prestations provinciales, l’Allocation pour les travailleurs, l’aide au logement et une grande partie de l’ACE. Les augmentations de revenus produisent souvent très peu de gains nets.

Pendant ce temps, la Sécurité de la vieillesse est basée sur le revenu individuel, et non le revenu familial, et ses seuils sont beaucoup plus élevés. Le remboursement ne commence qu’à 86 000 $ de revenu individuel et ne disparaît complètement qu’à environ 148 731 $. Une famille avec un revenu combiné de 75 537 $ voit ses prestations d'ACE diminuer fortement, alors qu’un couple de retraités approchant 300 000 $ peut encore recevoir un chèque du gouvernement. À chacun de juger si cela semble logique.


5. La complexité administrative : un système coûteux qui entretient la dépendance


Le système de prestations canadien est complexe, stratifié et coûteux à administrer. Il nécessite des recalculs constants, des vérifications de l’ARC, des règles qui se chevauchent entre les gouvernements fédéral et provinciaux, et des dizaines de formules de récupération. Un système simplifié — par exemple une augmentation de l’exemption personnelle de base combinée à une consolidation des prestations pour enfants — pourrait réduire les coûts administratifs et éliminer plusieurs pièges à pauvreté.

Mais politiquement, la complexité est souvent récompensée. Les dépôts mensuels sont visibles et perçus comme un soutien direct, contrairement aux allègements fiscaux annuels. Le budget 2025 ajoute des couches plutôt que de simplifier la structure. Il prévient que les ménages les plus vulnérables ne tombent dans l’itinérance, mais il ne crée pas de mobilité ascendante. La vraie mobilité vient d’une économie en croissance avec une productivité accrue : meilleurs outils, meilleures machines, meilleurs logiciels, meilleures infrastructures.


6. La réduction de 40 000 employés fédéraux : nécessaire ou risquée ?


Le gouvernement prévoit réduire la fonction publique de 40 000 postes par attrition et départs à la retraite. La fonction publique a beaucoup grossi entre 2016 et 2023, et une réduction est défendable. Le problème est le moment choisi. Couper des dizaines de milliers d’emplois stables en période de fragilité économique peut réduire la consommation, affaiblir les petites entreprises et créer des ralentissements régionaux dans des villes comme Ottawa et Winnipeg. Idéalement, les compressions se font en période de croissance solide, pas lors de périodes moyennes ou faibles.


7. L’emprunt et les taux d’intérêt : une collision annoncée


L’emprunt fédéral augmente pour financer le déficit, soutenir les sociétés d’État, élargir les prêts de la SCHL et appuyer de nouveaux programmes. Les provinces et municipalités augmentent aussi leur propre endettement, surtout pour rattraper des décennies de sous-investissement en infrastructures. Cela fait grimper la demande totale en capital.

Les conséquences sont claires : pression à la hausse sur les rendements obligataires à long terme, liquidité réduite pour les emprunteurs privés et moins de marge pour que la Banque du Canada puisse réduire les taux. Les politiques budgétaire et monétaire tirent dans des directions opposées. Les taux à court terme semblent stables, mais les taux hypothécaires à long terme refléteront cet environnement d’emprunt prolongé.

C’est pourquoi le budget 2025 ne peut pas être analysé sans tenir compte de la décision de la Banque du Canada du 10 décembre. Selon les données actuelles, aucune hausse ni baisse n’est prévue. Nous analyserons cela plus en détail dans le bulletin de décembre.


8. Le problème structurel que le budget ignore


Le système canadien est bon pour prévenir la pauvreté, mais beaucoup moins efficace pour permettre la stabilité à long terme. Les ménages à faible revenu reçoivent un soutien important; les ménages du milieu font face à des taux marginaux très élevés, à la perte rapide des prestations, à un logement coûteux et à un accès limité à la reconversion professionnelle. Cela crée un système où rester pauvre peut sembler plus sûr que tenter de progresser, parce que chaque pas vers le haut s’accompagne de pénalités. Le budget 2025 ajoute des programmes, mais ne corrige pas cette architecture profonde. Il l’accentue même parfois.



9. Le grand absent : l’ouverture bancaire et la mobilité financière


L’un des outils les plus importants pour améliorer l’abordabilité et accroître la concurrence dans le secteur financier est l’ouverture bancaire (Open banking). Le budget 2025 affirme qu’il y a des progrès, mais les Canadiens ne peuvent toujours pas partager leur information financière de manière sécurisée entre institutions, contrairement au Royaume-Uni, à l’Union européenne ou à l’Australie. Sans ouverture bancaire, changer de prêteur demeure lent, lourd administrativement et coûteux, ce qui réduit la concurrence et maintient les coûts d’emprunt plus élevés qu’ils ne devraient l’être.

L’ouverture bancaire permettrait aux familles de transférer leurs comptes, de vérifier leurs revenus et de comparer les offres hypothécaires instantanément. Elle rendrait les renouvellements plus concurrentiels, réduirait les frais et renforcerait le pouvoir de négociation des ménages. Pour un gouvernement qui dit vouloir améliorer l’abordabilité, cela devrait être une priorité de base. Pourtant, la mise en œuvre est toujours au point mort. Comme plusieurs éléments du budget 2025, l’intention est là, mais l’exécution ne suit pas.


Conclusion : de l’ambition sans alignement


Le budget 2025 tente de répondre à des problèmes bien réels : pénurie de logements, productivité stagnante, infrastructures insuffisantes et inégalités. Mais plusieurs de ses outils se contredisent. Il augmente les dépenses tout en voulant maîtriser l’inflation. Il accroît l’endettement tout en espérant des taux plus bas. Il subventionne des logements modulaires au lieu des maisons familiales que les Canadiens souhaitent. Il ajoute de la complexité à un système qui écrase déjà les familles.

Le Canada n’a pas besoin de plus de programmes. Il a besoin d’un meilleur alignement entre les choix budgétaires, la réalité de la main-d’œuvre et les besoins à long terme des ménages. Tant que les politiques budgétaires et monétaires ne tireront pas dans la même direction — et tant que le système pénalisera la progression au lieu de la récompenser — l’abordabilité continuera de s’éloigner pour trop de familles canadiennes.


Simon Bilodeau et Gina Lopez

604-828-9864


 

Simon Bilodeau est courtier hypothécaire, rédacteur financier et cofondateur de RefinanceBC. Il se spécialise dans la vulgarisation des tendances économiques pour en faire des stratégies hypothécaires simples et efficaces pour les propriétaires en Colombie-Britannique.

Souvent invité à Radio-Canada et à CBC, Simon est reconnu pour ses conseils honnêtes, basés sur les données, et expliqués en langage clair. Il travaille aux côtés de sa conjointe, Gina, formant une équipe trilingue au service des clients partout dans la province.


ree

 
 
 

Commentaires


© 2021 Simon Bilodeau - Courtier hypothécaire pour Dominion Lending Center - Mortgage Negotiators. Tous les droits sont réservés.

  • LinkedIn
  • Facebook
Dominion Lending Centres DLC
bottom of page